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Coupe du monde de rugby 2023 : un événement fédérateur pour une réussite socio-économique française ?

par | Sep 7, 2023 | Think Tank Virtus

Le vendredi 8 septembre est une date que beaucoup de Français ont depuis quelque temps en tête. Les yeux sont rivés sur l’équipe de France de rugby, qui jouera son match d’ouverture de la Coupe du Monde 2023 le 8 septembre prochain au Stade de France face aux All Blacks de Nouvelle-Zélande. Si bien que certains auront sans doute oublié le match de l’équipe de France de football pour les qualifications à l’Euro 2024, qui s’est déroulé hier.

16 ans. Cela fait 16 ans que la France n’avait pas accueilli la plus prestigieuse des compétitions mondiales de rugby. En 2007, la France était alors déjà présentée parmi les équipes favorites au titre, mais elle avait déçu. Après 3 défaites dans la compétition, le XV de France avait terminé quatrième de la compétition. En 2011, une finale rêvée face aux Néo-Zélandais s’était à nouveau soldée sur une défaite française. En cette année 2023, et tandis que l’équipe de France est classée 3e au classement World Rugby, jamais les espoirs de victoire finale n’ont été si grands. Tous attendent avec impatience de voir jouer cette équipe fabuleuse, et de la voir gagner.

Si la presse internationale a largement encensé ces joueurs que certains qualifient de meilleure équipe de l’histoire du rugby français, c’est avant tout chez le peuple français que ce XV de France trouve sa force. L’engouement du public autour de l’équipe exalte les performances françaises, qui à leur tour rallient de plus en plus de Français à la cause du rugby. 58 % des Français comptent ainsi suivre la coupe du monde, d’après un sondage Odoxa réalisé pour Meta. Pour comparaison, c’est 19 points de plus que lors de la dernière édition en 2019, 12 points de plus que la coupe du monde de football au Qatar en 2022, et 6 points de plus que les estimations pour les Jeux Olympiques de Paris l’été prochain. Certes, le mondial 2023 de rugby se déroule en France, mais cela soulève d’autant plus une ferveur dont les joueurs et le staff français se délectent.

Le rugby français est sans nul doute à son acmé dans le cœur des Français. Une étude de juin 2023 réalisée par Odoxa pour Meta indique même que près de 85 % des Français ont une bonne image du rugby. Ces dernières années, le rugby a rassemblé et continue de rassembler de plus en plus de fans issus de contextes socio-économiques différents. Le rugby se généralise, du sud au nord, de la campagne à la banlieue, des hommes aux femmes. Accessible, le rugby a pour ambition de se développer encore grâce à cet événement majeur qu’est la coupe du monde.

Cet événement manifestement fédérateur pourrait dès lors se présenter comme un succès français, tant sur le plan social qu’économique.

 

Un peuple uni derrière une équipe

C’est frappant : le groupe France 2023 est proche de son peuple, et ce dernier le ressent. L’équipe de France est portée par un engouement incomparable et sans précédent. Un engouement qui s’est créé petit à petit sous l’ère Galthié notamment grâce à certaines étapes majeures et retentissantes : la victoire fondatrice face à la Nouvelle-Zélande fin 2021 dans un stade de France en folie (40-25), le Grand Chelem 2022 dans le tournoi des Six Nations, la victoire humiliante face à l’Angleterre dans un Twickenham chantant la Marseillaise (53-10), et plus globalement la série de 14 victoires d’affilée, marquant près d’un an et demi d’invincibilité de fin 2021 à début 2023. Un public uni derrière un groupe soudé est alors né.

Le rugby français est avant tout une famille. D’ailleurs, créer un compte sur le site officiel de la Coupe du Monde vous fera entrer dans la « Famille 2023 ». C’est aussi une volonté de l’équipe et du staff de mettre l’accent sur la connexion entre le groupe et le public. « Unis pour un rêve » : tel est par ailleurs le slogan du groupe France dans cette coupe du monde. Ce slogan a été martelé par Fabien Galthié lors de son apparition sur le plateau de TF1 pour annoncer la liste des 33 joueurs retenus devant des millions de Français. Le sélectionneur français a en outre laissé la parole à des citoyens plongés dans leur quotidien pour faire cette annonce, dans un objectif de partage, de communion et de diversité. Être supporter français n’est alors pas si éloigné que d’être citoyen français, patriote et fier de l’être.

Cette ferveur du peuple français est ressentie par les joueurs, qui mentionnent systématiquement en interview d’après-match la chaleur et l’enthousiasme enivrants dans les stades. Ainsi, les joueurs n’oublient pas d’où ils viennent, en témoigne le maillot d’entraînement qui rend hommage au rugby amateur en arborant l’intégralité des clubs amateurs de la FFR. Les plus jeunes supporters s’entraînent dans une école de rugby, lieu de formation et d’apprentissage, mais aussi de cohésion et de transmission générationnelle.

La famille 2023 est née. De la tristesse collective lors de la blessure de Romain Ntamack à la protection collective de Bastien Chalureau quelques jours avant le match d’ouverture, chaque instant se vit main dans la main au sein du groupe, mais aussi entre le groupe et le public.

 

 Un impact social considérable

La coupe du monde est par ailleurs un moyen de mettre la lumière sur les avancées sociales que ce sport permet. Des efforts ont été réalisés de la part des équipes organisatrices en ce sens : l’intégralité des matches de la compétition seront ainsi diffusés sur des chaînes françaises gratuites, invitant tout le monde sans exception à l’engouement national et limitant les inégalités qui pourraient subsister. Le but ici est de rendre la compétition accessible à tous, dans une stratégie qui profite finalement à tous. Dans la mesure du possible, les matches de la coupe du monde se tiendront aux quatre coins de la France, satisfaisant et ralliant davantage de supporters. Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux accueilleront des rencontres, mais aussi Nice, Saint-Etienne, Toulouse, Lille ou même Nantes. Dans le même esprit, les 3 matches de préparation de nos Bleus se sont déroulés dans 3 villes différentes où les joueurs n’ont pas l’habitude de jouer (hors Saint-Denis) : Saint-Etienne, puis Nantes, pour finir par le Stade de France à Saint-Denis.

Les jeunes peuvent s’identifier aux joueurs qui composent cette équipe de France. Les clubs formateurs des joueurs du XV de France n’ont jamais disposé d’une telle exposition que celle dont ils bénéficient depuis le début du mandat de Fabien Galthié. En effet, le guide des Bleus est très sensible aux thèmes de l’identité, de l’enracinement, des territoires. A chaque fois qu’il cite un de ses joueurs, il en profite pour glisser le nom de son premier club. Voilà comment des villages tels que Saint-Pée-sur-Nivelle ou Castelnau-Magnoac ont gagné une renommée nationale.

 

Les joueurs sont des modèles à suivre. Le rugby partage des valeurs louables perçues par beaucoup comme meilleures que celles d’autres sports comme le football. C’est sans doute pourquoi le rugby tente de se développer dans les quartiers de banlieues, parisiennes notamment. Dans une vidéo YouTube publiée sur la chaîne officielle de France Rugby intitulée Rugby Amateur : Du rugby au pied des immeubles, le Rugby Olympique Pantin est mis sous les projecteurs. Le nombre de licenciés y est passé de 50 il y a quelques années à près de 300 aujourd’hui. 40 % d’entre eux sont des filles. Le club puise des jeunes directement dans les quartiers prioritaires de la politique des villes (QPV), pour initier au rugby et tisser des liens entre les jeunes et le rugby. Pour ces jeunes, Sekou Macalou et Cameron Woki – issus respectivement de Sarcelles et Bobigny – peuvent représenter des modèles à suivre puissants et porteurs de rêves. Le club apprend initialement le rugby dans des parcs publics, mais récolte une vingtaine de licencies chaque année vers une école de rugby : il a un rôle sportif, mais aussi éducatif. Certains se réjouiraient même d’une passation possible du football au rugby dans les quartiers sensibles, arguant de la comparaison, tirée du film Invictus, entre un sport de voyous pratiqué par des gentlemen (rugby) et un sport de gentlemen pratiqué par des voyous (football). Le rugby n’est plus un sport sélect et réservé aux classes moyennes ou supérieures, mais désormais inclusif et ouvert à tous.

Le rugby et la Coupe du Monde 2023 ont un rôle citoyen assumé, au-delà de l’insertion sociale. Ils permettent l’épanouissement et la confiance en soi au-delà du simple sport. Ainsi, des jeunes joueuses de rugby pourront voir Joy Neville arbitrer des matches de coupe du monde masculine (arbitre vidéo), une première. Symbole du rugby féminin, elle bouscule le monde du rugby et ouvre ses portes grandes ouvertes aux femmes. Peut-être verra-t-on même une arbitre de champ à la prochaine coupe du monde en 2027 ?

A 17 ans, Mathias Dantin est devenu tétraplégique incomplet suite à un grave accident. Il a été accueilli dans les locaux du club de rugby de Capbreton lors de la préparation du XV de France. Emu aux larmes, il a exprimé face aux joueurs sa joie d’avoir été porté par ce qu’il appelle « la famille du rugby » pour recouvrer l’usage de certains de ses membres. « Il y a des gens qui prennent exemple sur vous, comme moi j’ai pris exemple sur vous, et qui ont cet espoir de se battre » : le rugby et la coupe du monde à venir lui permettent et lui permettront d’aller toujours de l’avant, et de gagner ce qu’il nomme « le match de sa vie ».  

Quelques ombres demeurent cela dit sur ce tableau presque parfait. Tout comme pour les JO de Paris de 2024, certains s’indignent du fait que des sans-abri aient été fortement incités à quitter Paris, notamment à la demande des hôteliers qui en logeaient certains et en vue des opportunités à saisir avec l’afflux de supporters à venir. Près de 5 000 chambres ont ainsi été perdues pour l’hébergement d’urgence. Également, 280 000 places ont été accordées aux entreprises dans le cadre des « offres hospitalités », ce que certains ont pointé du doigt comme cause principale de la forte limitation des places pour le public supporter moyen, étant donné que les grosses entreprises invitées ne sont en majorité pas nécessairement motivées par la passion du sport. 

 

Des retombées économiques non négligeables

La coupe du monde pourrait aussi être un succès économique. Malgré des dépenses revues à la hausse, l’événement va dégager plusieurs dizaines de millions d’euros de bénéfices, promet Jacques Rivoal, président du Groupement d’intérêt public France 2023. En effet, l’engouement autour de cette coupe du monde n’est pas seulement français, mais il est mondial. Associé à l’engagement notable des partenaires, cela participe à la création de revenus supérieurs aux prévisions, selon Rivoal. Par ailleurs, l’acquisition des droits TV a cette année surpassé tous les records précédents. Selon les informations Europe 1 et Les Echos, TF1 a déboursé près de 60 millions d’euros pour s’arracher les droits TV de la coupe du monde. A titre de comparaison, ils étaient de 40 millions en 2019, 45 en 2015, et 85 pour 2007 et 2011 réunies.

Contrairement à ce que présage le journal sportif L’Equipe, la coupe du monde devrait rapporter bien plus de recettes que les éditions précédentes de 2015 et 2019 en Angleterre et au Japon. Le montant des recettes de ce mondial est estimé à 750 millions d’euros, selon Sporsora. Ces recettes sont réparties de la manière suivante : 270 millions pour les hospitalités, 380 millions pour la billetterie, et 100 millions pour le marketing France (hors partenaires de World Rugby).

Ce qui fait tache néanmoins, ce sont les dépenses. Une partie considérable des revenus a déjà été perçue depuis quelques années avant la coupe du monde, là où les dépenses n’arrivent en grande partie que la dernière année. Outre l’inflation, qui touche diverses prestations liées à l’organisation, des frais supplémentaires de personnel et de sécurité sont désormais à prévoir – dans un contexte de pénurie de ressources humaines. Tout comme un programme « d’absorption carbone », afin de compenser en partie les voyages en avion nécessaires pour se rendre à l’événement. Comparé au Mondial anglais, « les dernières revues budgétaires ont souligné que nos dépenses globales étaient inférieures de 20 % », selon Jacques Rivoal. Certaines dépenses ont cela dit pu être sous-évaluées, avoue-t-il. En conséquence, le résultat net devrait bien être révisé à la baisse, alors que l’ex-directeur général Claude Atcher avait évoqué le chiffre de 65 millions d’euros. Peu de doute subsiste cependant sur le fait que cette coupe du monde serait plus profitable que la coupe du monde en Angleterre, par exemple. Celle-ci avait à l’époque dégagé un bénéfice net d’environ 36 millions d’euros.

 

En bref, la Coupe du Monde de Rugby 2023 est indubitablement un événement fédérateur et une réussite sociale française. Peu d’ombres subsistent au tableau, et il faudra attendre la fin du mondial pour tirer des conclusions définitives sur sa réussite socio-économique totale. Il ne nous reste plus qu’à attendre (im)patiemment le coup d’envoi de ce mondial ! Allez les Bleus !

 

 

 

 

 

 

 Victor Brousse

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