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Mixed Martial Arts, à la conquête du monde

par | Jan 9, 2024 | Think Tank Virtus

Cyril Gane alias “Bon Gamin”, l’ancien des forces spéciales Benoît-Saint-Denis, Manon “The Beast” Fiorot, Cédric “The Best” Doumbé ou encore le “Kylian Mbappé du Mixed Martial Arts”, Salahdine Parnasse, sont tant de noms de combattants français à avoir fait vibrer ces derniers mois les fans de ce sport émergent. Alors qu’il y a quelques années en arrière l’octogone n’avait pas encore sa place dans l’Hexagone, la France est aujourd’hui l’un de ses principaux viviers de talents aux côtés des Etats-Unis, de la Russie ainsi que du Brésil. Longtemps méprisé pour “porter atteinte à la dignité humaine”, le Mixed Martial Arts (MMA) est devenu un poids lourd de l’économie du sport internationale.  

 

POSONS LES BASES

Né au Brésil dans les années 30 sous le nom de vale tudo pour “tous les coups sont permis”, il a fallu attendre 1993 pour que les premiers combats officiels de Mixed Martial Arts (MMA) soient organisés aux Etats-Unis sous l’égide de l’Ultimate Fighting Championship (UFC). Interaction de plusieurs disciplines comme la boxe thaïlandaise, le kick-boxing, la lutte, le jiu-jitsu brésilien, le judo et le karaté, mêlant les techniques de préhension et de percussion, le MMA est l’un des sports de combat les plus complets au monde. Il oppose deux combattants dans un octogone, une cage de huit côtés tapissée de tatamis participant à la légende de ce sport. Chaque événement de MMA organisé voit plusieurs combats se dérouler lors d’une seule et même soirée. Alors que les combats classiques se font en trois rounds de cinq minutes, le combat principal de la carte appelé le main-event et lors duquel une ceinture peut parfois être remise en jeu dure quant à lui cinq rounds de cinq minutes. Suite au combat, le vainqueur est désigné par décision des trois juges. Le combat peut également se terminer prématurément suite à un knockout (KO) lorsqu’un combattant perd connaissance après un (ou plusieurs) coup(s) bien placé(s) par son adversaire, un technical knockout (TKO) lorsque l’arbitre décide d’arrêter le combat quand il juge un combattant inapte à continuer ou bien par une soumission lorsqu’un combattant décide d’abandonner en tapant sur le corps de son adversaire ou sur le sol. 

Longtemps considéré comme trop violent à cause de l’absence de règles lors de ses premiers combats, le MMA était à ses débuts également appelé free fight parce que tous les coups (ou presque) étaient permis et qu’il n’y avait pas encore de catégories de poids. En 2001, l’adoption des “Unified Rules of MMA” établie par la commission athlétique du New Jersey permet de cadrer et professionnaliser la discipline. Suite à celle-ci, des catégories de poids, des limites de temps et plus d’une trentaine d’interdictions voient le jour (impossible de donner un coup de pied à la tête de son adversaire lorsque celui-ci est au sol, de lui mettre les doigts dans les yeux, de lui viser les parties intimes ou encore de s’agripper à l’octogone). Lorsque ces règles ne sont pas respectées, l’arbitre peut décider de retirer des points au combattant fautif et même de le disqualifier. Les tenues des combattants sont elles aussi réglementées : ils doivent porter des mitaines suffisamment rembourrées pour éviter de se fracturer la main, un protège-dents, une coquille protégeant leurs parties intimes, avoir les ongles coupés et se faire enduire le visage de vaseline. Ils n’ont pas le droit aux chaussures ni d’entrer dans l’octogone avec un objet sur eux. Pour vérifier que toutes les conditions soient réunies pour le bon déroulé des combats, un arbitre supervise les combattants avant chaque entrée dans la cage. 

Grâce aux “Unified Rules of MMA”, des progrès notables ont été faits pour la sécurité et la santé des combattants de MMA depuis le début des années 2000. Néanmoins, cela n’a pas empêché la discipline d’être pendant longtemps la cible d’un consensus politico-médiatique en France visant à dénoncer sa prétendue cruauté. 

 

L’OCTOGONE DANS L’HEXAGONE, DE LA LUTTE À LA RECONNAISSANCE JUSQU’AU TRIOMPHE

Avec la Norvège, la France faisait partie des deux seuls pays en Europe qui n’avaient pas encore reconnu le MMA au début des années 2010. Alors que la Norvège se basait sur un texte adopté en 1982 appelé « Loi du KO » interdisant tous les sports de combat où le KO est possible pour bannir le MMA de son territoire au même titre que la boxe anglaise, la France pour se justifier se basait quant à elle sur une recommandation du Conseil de l’Europe datant de 1999 qui conseillait alors aux pays membres d’interdire les combats en cage. Or, cette recommandation visait uniquement les combats libres, ce qui n’était pas le cas du MMA qui était réglementé depuis le début des années 2000 par les “Unified Rules of MMA”. De plus, cette recommandation du Conseil de l’Europe n’avait aucune valeur légale puisqu’elle n’avait jamais été transposée au droit national. Grâce à ce flou juridique, le premier gala de MMA avait pu être organisé dès 2015 à Paris au prestigieux Cirque d’Hiver. 

Après que cet événement ait fait couler beaucoup d’encre et entraîné un long bras de fer entre ses organisateurs et Thierry Braillard, ancien secrétaire d’Etat chargé des sports, un arrêté interdisant les coups sur un combattant au sol ainsi que les combats en cage a été publié en octobre 2016. Sans jamais citer le MMA dans le texte, c’était pourtant bien cette discipline que le Ministère des Sports visait à travers celui-ci. Pour justifier cela, Thierry Braillard avait déclaré aux micros de France 2 que les coups au sol portaient “atteinte à la dignité humaine” et que la cage où s’affrontent les combattants faisait “plus jeu du cirque qu’activité sportive”. Ainsi, le lobbying anti-MMA des autres fédérations de sports de combat en France qui craignaient de voir une fuite de leurs licenciés vers le MMA avait porté ses fruits. À titre d’illustration, Jean-Luc Rougé, ancien président de la Fédération Française de Judo, avait qualifié le MMA de “refuge pour jihadistes” et le voyait comme “une invention pour faire du business”. Pour contourner cette interdiction, les combattants français participaient alors à des compétitions de pancrace, art martial où les coups au sol sont interdits se pratiquant dans un ring de boxe. Les fans de la première heure qui ne pouvaient pas regarder les événements de MMA sur une chaîne télévisée française – une préconisation du CSA (ancien nom de l’Arcom) interdisait leur diffusion en France – pouvaient quant à eux compter sur RTL9, une chaîne luxembourgeoise non soumise aux règles du CSA, et UFC TV pour visionner les événements organisés par l’organisation principale de ce sport, l’UFC. 

Bien que l’engouement du MMA résonnait jusqu’en France où l’attente était à son comble, ce n’est qu’en 2020 suite aux efforts de Laura Flessel, Ministre des Sports sous Édouard Philippe, suivis de ceux de Roxana Maracineanu, Ministre déléguée chargée des Sports sous Jean Castex, que le MMA est légalisé et placé sous le giron de la Fédération Française de Boxe. Suite à cette légalisation, la France a vu la discipline se professionnaliser sur son territoire, des champions tricolores émergés et tout un écosystème se mettre en place avec le lancement de médias spécialisés comme La Sueur ou encore du “RMC Fighter Club” sur RMC Sport, chaîne télévisée ayant récupéré les droits pour diffuser dans l’Hexagone les événement organisés par l’UFC. Cette dernière organisation n’a d’ailleurs pas tardé à lancer ses premiers tournois à Paris. Véritable triomphe, l’UFC a vendu en quelques minutes plus de 15 000 places allant de 83 à 1 591 euros pour son premier événement dans la ville lumière qui s’est tenu le samedi 3 septembre 2022 à l’Accor Arena. Pour les personnes n’ayant pas pu obtenir leur place à temps, une liste d’attente avait été mise en place mais c’était peine perdue pour elles puisque celle-ci comptabilisait 200 000 autres déçues. En septembre dernier, l’UFC a remis les couverts pour son second événement à l’Accor Arena où là aussi, plus de 15 000 personnes étaient réunies. 

UFC, derrière ces trois lettres se cache une organisation qui a tant œuvré pour faire du MMA un poids lourd de l’économie du sport internationale. Occupant aujourd’hui une position presque monopolistique, elle n’est pas pour autant intouchable et d’autres organisations à l’image du Professional Fighters League (PFL) cherchent à remettre en question son hégémonie. 

 Morgan « The Last Pirate » Charrière, l’un des visages du MMA français, célébrant sa victoire face à Manolo Zecchini après son combat lors de l’UFC Paris du samedi 02 septembre 2023 à l’Accor Arena

 

 

L’UFC, UNE ORGANISATION HISTORIQUE DE PLUS EN PLUS CONTESTÉE

Ligue sportive ayant organisé les premiers combats officiels de MMA, l’UFC est l’une des nombreuses organisations de ce sport. Possédant le quasi-monopole de la discipline, l’UFC compte les meilleurs combattants au monde dans ses rangs. Lancée en 1993 après que le promoteur de kick-boxing, Art Davie, le cinéaste John Milius et le fils du créateur du jiu-jitsu brésilien, Rorion Gracie, se soient associés ensemble afin de couronner le combattant ultime, l’UFC a vu son développement être grandement freiné à ses débuts à cause de la réputation sulfureuse du MMA. La réputation de la discipline était telle que de nombreux États américains refusaient à l’UFC d’organiser ses événements sur leur territoire. À cause de cette censure menée par les dirigeants politiques américains ainsi que les médias, l’UFC était au bord de la faillite et risquait de disparaître à la fin des années 90. Face à cette situation, les fondateurs de l’organisation se sont résolus à la vendre en 2001 pour la somme de 2 Millions de dollars aux frères Fertitta connus pour avoir fait fortune avec leurs casinos. Pour l’occasion, la société Zuffa voit alors le jour.

Derrière ce rachat se cache un homme connu aujourd’hui comme le visage de l’UFC, Dana White. Alors modeste organisateur de combats de boxe, ce dernier souffle à l’oreille des frères Fertitta l’idée de racheter l’organisation et se retrouve suite à cette transaction, propulsé en tant que Président de celle-ci. Génie du marketing, il a fait de l’UFC une véritable réussite sportive et commerciale. Pour lisser son image, l’UFC adopte dès le début de sa présidence les “Unified Rules of MMA”. En parallèle de cela, la société mère de l’organisation, Zuffa, mène une politique économique agressive en rachetant des ligues concurrentes. En plus de voir ces dernières disparaître pour imposer la domination de l’UFC, ces acquisitions permettent également à l’organisation phare de renforcer son roster de combattants en intégrant les vedettes de ces ligues rachetées. Parmi les acquisitions notables peuvent notamment être citées celles du World Extreme Cagefighting (2006), du Strikeforce (2011) et surtout du Pride FC, ancien leader mondial de la discipline basé au Japon mais au bord de la faillite qui a été racheté pour 70 Millions de dollars (2007). Après avoir assis la position dominante de l’UFC dans le MMA, les frères Ferttita l’ont revendu en 2016 pour 4 Milliards de dollars à Endeavor, entreprise tentaculaire dans le secteur de l’entertainment, ainsi qu’aux fonds d’investissement américains Silver Lake et KKR. Aujourd’hui, l’UFC serait selon l’agence Reuters la ligue sportive ayant connu la croissance financière la plus importante de ces 5 dernières années et vaudrait plus de 10 Milliards de dollars. 

L’UFC est devenu au MMA ce qu’est la NBA pour le basketball. L’organisation regroupe plus de 500 combattants répartis dans huit catégories de poids chez les hommes et quatre chez les femmes. L’organisation compte déjà ses légendes comme le sulfureux Jon Jones, le Canadien George St-Pierre, l’adepte de taekwondo Anderson Silva ou encore Ronda Rousey chez les femmes. Sa reconnaissance par le grand public est pour beaucoup due à sa superstar Conor McGregor. Aussi bon avec ses poings qu’avec les mots, il est avec ses 47,3 Millions de Followers sur Instagram le combattant le plus connu de la discipline et a été selon Forbes le sportif le mieux payé au monde en 2020 devançant notamment Lionel Messi et Cristiano Ronaldo avec 180 millions de dollars amassés cette année-là. Champion des poids légers (58 à 61 kg) de 2016 à 2018, sa rivalité avec le Daghestanais Khabib Nurmagomedov a permis à l’UFC de passer un cap en termes de popularité. Aujourd’hui, une nouvelle génération de combattants a repris le flambeau pour porter haut et fort l’étendard de l’organisation : Islam Makhachev, Israel Adesanaya, Alex Pereira et bien évidemment le Français Cyril Gane. Néanmoins, l’UFC est régulièrement pointé du doigt pour sous-payer ses combattants. Se mettant régulièrement en danger, le jeu n’en vaut pas toujours la chandelle pour ces derniers, surtout à leur début. Pour éviter de se retrouver dans une situation précaire, les jeunes combattants sont parfois contraints de conserver une activité professionnelle en parallèle de leur carrière. 

« LE PFL ÉTAIT LE TRAIN À PRENDRE » – David Foucher, Manager de Cédric Doumbé et fondateur de l’agence Adjime

Avec une masse salariale représentant 17% de son chiffre d’affaires, l’UFC voit de plus en plus d’organisations venir la bousculer. Alors que le Cage Warriors et l’Arès Fighting se sont résignés à être des antichambres de l’UFC, d’autres ligues comme le Professional Fighters League (PFL) aspirent à devenir de véritables alternatives pour les combattants. Pour être à la hauteur de ses ambitions, le PFL dispose de ressources financières conséquentes qui lui permettent de rémunérer grassement ses combattants. Francis Ngannou, ancienne vedette des poids lourds (93 à 120 kg) de l’UFC qui militait auprès de Dana White pour que les combattants de l’organisation aient plus de droits, a montré la voie en signant au PFL en Mai 2023. Juste avant lui, le septuple champion du monde en kick-boxing au Glory, Cédric Doumbé, avait également fait ce choix alors qu’il était convoité par de nombreuses organisations dont l’UFC. Interrogé par nos soins à ce sujet, David Foucher, manager de Cédric Doumbé et fondateur de l’agence de communication Adjime, nous a confié que “l’aspect financier a été un élément important pour que Cédric signe au PFL [le PFL proposait à Cédric Doumbé des montants 6 fois supérieurs par rapport à ceux de l’UFC] mais ce n’est pas le seul point à avoir été pris en compte. Aujourd’hui, Cédric a 31 ans. Notre objectif est d’atteindre le sommet. À l’UFC, il aurait fallu minimum 2 à 3 ans de victoires non stop pour avoir un combat pour la ceinture de champion. Au PFL, au bout d’1 an la ceinture peut être atteinte. À l’image d’un Michael Chandler [combattant ayant rejoint l’UFC alors qu’il était champion du Bellator], grâce au PFL Cédric pourra aller plus vite dans la course au titre à l’UFC en n’évoluant pas au sein de l’organisation.“ Le PFL ne serait-il donc qu’un énième tremplin pour rejoindre l’UFC ? L’avenir nous le dira. En attendant le couronnement de Cédric Doumbé au PFL, David Foucher nous souligne que c’était “le train à prendre”. Pour preuve, la croissance du PFL qui vient de racheter le Bellator, organisation numéro 2 de MMA, et de faire rentrer le fond souverain saoudien, le Public Investment Fund, dans son capital a été un argument supplémentaire pour la signature de son combattant et aujourd’hui ami.

Qu’elle que soit l’issue de cette rivalité naissante, la concurrence en vue entre l’UFC et le PFL ne peut qu’être bénéfique pour les combattants et la professionnalisation de la discipline. Aujourd’hui, le MMA a réussi à se construire une solide base de fans grâce à sa digitalisation et certains éléments qui en font un sport-spectacle mais cela sera-t-il suffisant pour qu’il soit reconnu comme un sport olympique ?

Conor « The Notorious » McGregor, combattant le plus célèbre de MMA et sportif le mieux payé en 2020 avec 180 Millions de dollars amassés cette année-là selon le magazine Forbes 

 

 

LE MMA, DE SPORT-SPECTACLE À SPORT OLYMPIQUE ? 

Alors que la boxe est sur le déclin depuis le début des années 2000, le MMA quant à lui ne cesse de gagner du terrain. Aujourd’hui, la logique économique a pris le dessus sur la logique sportive dans le boxing business. L’existence de nombreuses parties prenantes aux intérêts divergents rend difficile l’organisation de combats entre les cadors de ce sport de combat. À l’opposé, le MMA avec ses ligues fermées octroie peu de marge de négociation à leurs combattants. Ces derniers souhaitant gravir les échelons jusqu’à devenir champions se retrouvent donc dans l’obligation de combattre les adversaires qui leur sont désignés par leur organisation. À l’UFC, ce système donne naissance aux plus belles affiches de la discipline. Ainsi grâce à des combats spectaculaires, les ventes des pay-per-view de l’UFC se retrouvent aujourd’hui souvent supérieures à celles du noble art. Cela a notamment été un argument de poids pour que l’organisation vende en 2018 ses droits télévisés à la chaîne américaine ESPN pour un montant de 1,5 Milliards de dollars sur 5 ans soit 300 Millions de dollars par an. En termes d’audience, le MMA est devenu le quatrième sport le plus populaire aux Etats-Unis derrière le baseball, le basketball et le football américain. Le succès du MMA n’est pas uniquement cantonné aux Etats-Unis et à l’Occident, c’est un véritable phénomène mondial. À titre d’illustration, plus de 170 pays diffusent aujourd’hui les événements de l’UFC et l’organisation se produit aux quatre coins du monde, de Londres à Abu Dhabi en passant par São Paulo ou encore Sydney.

« ON PRÉFÈRE PARLER D’ENTERTAINMENT TALK PLUTÔT QUE DE TRASH TALK. » – David Foucher, Manager de Cédric Doumbé et fondateur de l’agence Adjime

Cette belle réussite, le MMA le doit au fait qu’il se constitue depuis ses débuts comme un sport-spectacle. La téléréalité créée par l’UFC en 2005, The Ultimate Fighter, en est le parfait symbole. À travers cette émission qui garantit au combattant vainqueur un contrat pour rejoindre la célèbre organisation, le sport s’invite sur des formats inédits jusqu’ici. Cette fusion entre sport et spectacle s’illustre également par la dramaturgie entourant les combats de MMA. Une dramaturgie permise notamment par le face off, moment avant un combat lors duquel des adversaires s’observent pour s’intimider, et le trash talking soit le fait pour un combattant de tenir des propos insultants ou provocateurs envers son adversaire afin de prendre l’ascendant psychologique sur lui. Roi du trash talk en France, Cédric Doumbé a marqué les esprits pour son premier combat au PFL qui l’opposait à Jordan Zebo le 30 septembre 2023 au Zénith de Paris. Au-delà de la puissance de son poing gauche, deux phrases qu’il n’a cessé de répéter en amont du combat, “Jordan t’es mort” et “Bonne nuit Jordan”, ont eu raison de son adversaire qui a perdu connaissance seulement 9 secondes après que la cloche ait sonné. Venus le soutenir, Kylian Mbappé, Ousmane Dembélé, Maître Gims et Koba LaD sont restés bouche bée face à cette performance spectaculaire. “On préfère parler d’entertainment talk plutôt que de trash talk. Cédric a besoin de piment, c’est un entertainer, un divertisseur. C’est son moteur pour faire le show. On ne voulait pas véritablement la mort de Jordan. Cédric met des limites dans ses propos. De par ses croyances religieuses [il est musulman et prône à l’image d’un Mohamed Ali dans le passé les valeurs de l’Islam lors de chacune de ses interventions publiques], il ne se permet pas d’être irrespectueux envers ses adversaires.“, nous déclare son manager David Foucher. À la fin de son combat, Cédric Doumbé a tenu à adresser des mots d’encouragement à son jeune adversaire de 23 ans et a en même temps profité pour tenir un discours face aux violences faites aux femmes, un acte dont est accusé Fernand Lopez. Ce dernier est à la tête du célèbre MMA Factory, mythique salle de la discipline en France dans laquelle s’entraîne Jordan Zebo, et a un passif avec Cédric Doumbé. Le combattant surnommé “The Best” avait également déclaré que c’était face à lui qu’il combattait véritablement ce soir-là et non face à Jordan Zebo. 

Cette histoire comme celles entourant les principaux combats de chaque événement de MMA, RMC Sport l’a mis en image sur sa chaîne YouTube. Le storytelling du MMA réalisé par la chaîne télévisée détenue par Patrick Drahi a grandement contribué à démocratiser la discipline en France ces dernières années. Plus globalement, dans une ère ultra connectée où les réseaux sociaux dictent ce qui est tendance ou non, les ingrédients composant le sport-spectacle qu’est le MMA en font un carton. Le divertissement est assuré avant, pendant et même après les combats, de quoi faire le plus grand plaisir de ses aficionados. Passé par l’équipementier Venum où il était Directeur Marketing et Communication de 2017 à 2019, David Foucher nous explique que l’importance des réseaux sociaux pour la discipline vient de “sa faible médiatisation historique” et qu’ils ont été “le canal employé par les combattants pour mettre de la lumière sur leur sport afin d’exister. Ils devaient être leur propre média, faire leur propre communication, pour se faire connaître, se démarquer et attirer des sponsors.” Le combattant Morgan Charrière est en l’exemple parfait avec sa chaîne YouTube lancée en 2017. À travers ses vlogs, cet ancien champion du Cage Warrior récemment signé à l’UFC a participé à faire connaître la discipline auprès d’une partie du public français avant l’autorisation du MMA dans l’Hexagone. En plus de faire passer leur carrière dans une autre dimension et d’attirer des sponsors, les combattants qui en maîtrisent les codes peuvent également recevoir de la part de l’organisation à laquelle ils sont rattachés des bonus financiers venant compléter les cachets liés à leurs performances sportives dans la cage. Une rentrée d’argent non négligeable pour ces sportifs qui comme a tenu à nous le rappeler David Foucher lors de notre entrevue “ne sont pas rémunérés s’ils ne combattent pas contrairement à des footballeurs qui peuvent rester blessés une saison entière tout en touchant leur salaire.” 

Hier décrié, aujourd’hui adulé, le MMA a réussi à se faire une place dans le monde du sport grâce à des performances sportives impressionnantes ainsi que les shows assurés par les combattants avant, pendant et après leurs combats. Cette discipline attire l’attention et sait faire parler d’elle, ce qui n’est pas pour déplaire au Comité International Olympique (CIO) qui cherche à “se connecter aux sports qui cartonnent” et “parler aux jeunes”. Cela sera-t-il suffisant pour prétendre à son intégration aux Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 ? Rien n’est sûr pour autant parce que même si sa fédération internationale, l’IMMAF, réalise un lobbying important, le MMA souffre encore d’une image de sport violent.

Achraf SAITIL

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